top of page
  • Photo du rédacteurbastienrodrigues

"Le changement est permanent."

Après les drames de ces derniers mois, les arbitres sont sous la tourmente. Les accidents sont de plus en plus mis en lumière et les règles sont critiquées. Romain Poite répond à nos questions sur la sécurité et se livre sur ces problèmes mais aussi sur son métier. L'arbitre professionnel international donne aussi ses objectifs pour la suite et la perspective de l'après-carrière. 


Romain Poite observe le placements en mêlée pour permettre la sécurité des deux packs.
Romain Poite s'apprête à diriger une mêlée. (Crédit Photo: ASM)

Bastien Rodrigues : Comment qualifieriez-vous le métier d’arbitre ?

Romain Poite : Deux pendants dans le métier d’arbitre : conduire un match jusqu’à la 80èmeminute en offrant surtout l’opportunité aux équipes de travailler dans la sécurité. Et l’autre pendant, serait qu’on doit apporter une équité et offrir les mêmes chances aux deux équipes pour pratiquer leur sport, dans l’obligation sécuritaire évidente d’amener tout le monde jusqu’à la fin du match sans difficulté.


B.R : Quelle formation avez-vous suivie pour devenir arbitre professionnel ?

R.P : Pas de réelle formation, il y a trois examens à passer qui sont les examens d’arbitre stagiaire, régional et fédéral. Ensuite, en fonction des aptitudes de chacun et des notations que peuvent faire les superviseurs, nous sommes classés sur des divisions supérieures d’une année sur l’autre. Il y a également des formations qui se font au sein de tous les secteurs d’arbitrage et dans les ligues, chaque premier vendredi du mois, dans le but de parler des différentes thématiques et d’essayer d’adapter les règles et de les appliquer.


B.R : Pourquoi vouloir devenir arbitre ?

R.P : Un peu par hasard, j’étais joueur de rugby et puis mon père était impliqué au comité et à la Ligue. Il m’a proposé de devenir arbitre parce que le comité cherchait des arbitres donc ça me permettait de compléter ma formation de joueur et d’occuper mon temps du samedi après-midi.


B.R : Quels ont été vos réactions après les drames qui sont arrivés dans le rugby ?

R.P : D’une part de la peine parce que c’est difficile de voir des gens perdre la vie ou même des aptitudes physiques en ayant juste la volonté de pratiquer un sport. C’est dommageable de vouloir aller prendre du plaisir sur un terrain et d’en ressortir meurtri ou voire sans avenir.


B.R : Est-ce que ces drames vous ont amené de la peur d’arbitrer ?

R.P : Ça ne change rien pour nous. Malheureusement ce sont des faits de jeu qu’on ne peut pas empêcher même si on est là pour faire appliquer la règle. En tant qu’arbitre, on ne plaque pas ou même on ne peut pas anticiper une faute, on ne peut que la constater. Mais après, ça touche la fonction d’arbitre mais pas en termes d’approche, si ce n’est de réfléchir sur comment empêcher d’autres évènements malheureux.


B.R : Avez-vous vu des changements dans l’arbitrage depuis vos débuts ?

R.P : Le changement est permanent. On se remet en question par rapport aux décisions que l’on prend, nos approches du jeu par rapport à la règle. Il est évident que maintenant nous ayons une évolution du côté sécuritaire mais tant que la règle ne change pas pour nous c’est difficile. Au-delà de changer la règle, il faut peut-être aussi changer le comportement des joueurs dans la manière de plaquer, d’affronter physiquement leurs adversaires. Depuis que j’ai commencé au haut niveau, l’évolution a commencé avec le challenge dans les airs qui a réussi. Nous avons réussi à ralentir les accidents et effacer les problèmes en l’air. Sur le plaquage, nous sommes en train de réajuster mais on est obligé aussi de le faire avec ce que la règle nous propose. Aujourd’hui, est-ce que la règle propose véritablement toutes les garanties sur le côté sécuritaire ?


B.R : Comment vous préparez-vous avant chaque rencontre ?

R.P : On fait des analyses vidéo des équipes que l’on va diriger le week-end suivant. Une préparation physique évidente. On reste centré sur constater les fautes et les sanctionner mais on ne peut pas penser au pire à chaque rencontre.


B.R : L’arrivée du carton bleu, qu’en pensez-vous ?

R.P : Je ne pense pas que ce soit la solution miracle. On a des difficultés à l’appliquer puisque nous n’avons pas de véritables compétences par rapport à la commotion cérébrale. Il y a des gens sur le bord du terrain qui sont beaucoup plus à même que nous de prendre les décisions concernant la sortie d’un joueur. La difficulté qu’on a c’est qu’on nous responsabilise sur le carton bleu, sans les compétences qui vont dans le sens de cette utilisation-là. Dans le milieu professionnel, certains entraineurs ne veulent pas voir leurs joueurs sortir donc si on prend une telle décision et que le joueur montre le contraire, notre rôle est mis en danger et la compétence oubliée.


B.R : Lorsqu’un joueur prend un gros choc mais qu’il veut tout de même rester sur la pelouse, est-il pas difficile de gérer la situation ?

R.P : Si le joueur est bien commotionné, nous n’avons aucune difficulté à le faire sortir avec un carton bleu. Mais la plupart du temps, les médecins ou les personnes qui rentrent sur le terrain ont toutes les compétences pour sortir les joueurs.


B.R : Les arbitres sont souvent critiqués au bord du terrain ou même insultés, comment faire abstraction de tout ça sur le terrain ?

R.P : Sur le terrain, c’est simple en restant concentrés sur ce que nous avons à faire et puis on ne peut pas arbitrer avec des émotions. Donc évidemment, et malheureusement c’est de notoriété publique que l’arbitre est là pour se faire insulter, que les gens avec leur parti pris n’ont pas une analyse objective. Nous ne faisons pas cas de tout ça. Après, la critique fait aussi partie du paysage arbitral mais nous faisons plus attention aux personnes qui sont formées et qui sont là pour nous noter plutôt que des réactions souvent pas avérées et plus épidermiques.


B.R : En tant qu’arbitre, avez-vous des directives de la part de la Ligue ou de la Fédération sur la sécurité ?

R.P : Déjà, la France avait mis en place un règlement particulier. Et des ajustements ont été faits et bien faits pour les joueurs. Il nous est demandé bien sûr de sanctionner les actes qui sont dangereux et qui mettent en péril la santé des joueurs. Des directives internationales et européennes nous sont également données. Ces dernières ne prennent pas leur place dans le championnat français mais dans les autres compétitions.

B.R : Est-ce que vous voyez une différence entre les différents pays, dans le jeu ou dans le plaquage ?

R.P : En France, le défi physique est très important et les joueurs essayent de marquer l’adversaire à travers la règle, sans illégalité. Au niveau international et européen, il y a beaucoup plus de vitesse et moins d’impact et de défi physique. En dehors de la France, les autres pays passent plus par la vitesse.


B.R : La phase de regroupement est très compliquée à arbitrer et à comprendre, comment faire pour être le plus clair possible ?

R.P : Ce sont des phases très présentes dans le rugby et où les joueurs se concentrent beaucoup. Nous essayons d’être le plus proche possible de cette phase là pour prendre les meilleures décisions. Nous nous rendons compte que dans la globalité la prise de décisions n’est pas mauvaise même si nous pouvons toujours faire mieux. Et après le retour sur performance, nous nous apercevons qu’il y avait d’autres choses à siffler ou qui pouvaient être siffler. Les joueurs connaissent la règle donc nous ne sommes pas là pour les éduquer, juste pour leur dire la faute sur le moment. Mais à ce niveau-là, ils ont l’enseignement qui a dû être fait par les formateurs. Le simple fait de prendre une décision et de sanctionner c’est une valeur éducative pour les joueurs pour pas reproduire l’erreur.


B.R : L’arbitrage vidéo est au point désormais, comment voyez-vous cet outil évoluer ?

R.P : C’est un outil sur lequel nous avons beaucoup capitalisé et dont nous nous servons beaucoup pour être le plus précis possible. Un outil d’assistance qui est indispensable désormais pour les arbitres. L’utilisation peut toujours être améliorée mais nous sommes aujourd’hui sur une utilisation assez efficace et dans le but de trouver la vérité. Donc dès lors qu’il y a une incertitude et les attentes du détail dans le haut niveau, nous faisons appel à la vidéo. Avec une moyenne basse de 2 appels par match, donc pas d’utilisation abusive et de plus en plus de décisions prises sur le terrain mais lorsque la décision est difficile il vaut mieux être sûr de soi.


B.R : Savez-vous déjà les arbitres qui vont officier sur les quarts de finale de Coupe d’Europe ?

R.P : Les désignations pour les quarts et demi-finales ont été faites. Puisque les projections de la nation rentrent en compte dans ces compétitions. Je vais officier en quart de finale de Champions Cup, Leinster/ Ulster, le derby irlandais.


B.R : Pour la Coupe de Monde 2019, les arbitres sont-ils déjà choisis ? Et voudriez-vous y prendre part ?

R.P : La décision sera donnée le 27 ou 28 mars. Ça fait partie des objectifs même si c’est à long terme. Mais c’est aussi ce qui permet de rester dans l’exigence et au niveau. La Coupe du Monde reste l’évènement le plus importants de notre sport donc chacun se donne les moyens pour essayer d’y participer et donc nous espérons tous y être. La finale d’une Coupe du Monde reste un objectif évident pour un arbitre comme les finales de toutes les autres compétitions.


B.R : L’après-carrière d’arbitre, c’est quelque chose auquel vous pensez ?

R.P : Je ne pense pas que ce soit le cas de tout le monde mais pour moi c’est dans un coin de ma tête. J’ai repris les études il n’y a pas longtemps, j’ai fini un master et cette année je fais un master avec Toulouse Business School dans le management. C’est quelque chose auquel il faut penser et j’ai la chance de pouvoir réintégrer ma profession initiale qui était dans la police. J’espère pouvoir travailler pour la Fédération en tant que technicien et pourquoi pas avoir une autre opportunité à la suite des études que j’achèverais.


46 vues0 commentaire
Post: Blog2_Post
bottom of page